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Mars/Avril 2020 : la France se barricade chez elle pour faire face à l’urgence sanitaire mondiale actuelle. Ils l’appellent génériquement Coronavirus, mais le nom scientifique est SARS-CoV-2, un nouveau virus qui n’a jamais été identifié auparavant chez l’homme et qui est capable de provoquer la maladie appelée « Covid-19 », une infection qui, dans les cas les plus graves, peut se manifester sous la forme du Syndrome Respiratoire Aigu Sévère (SARS). Vous souvenez-vous de ce nom ? L’épidémie qui a causé des milliers de malades en Asie du Sud-Est entre 2002 et 2003. À l’époque, tout semblait si lointain et nous, en Europe, nous sentions en sécurité.

© Crédit photo : Mikaela VAHVELAINEN

Aujourd’hui, ici à Bordeaux, comme dans d’autres villes françaises ainsi que dans le reste du continent, les gens sont obligés de limiter leurs déplacements, leurs libertés quotidiennes, celles que nous avons toujours considérées comme normales et acquises, comme par exemple: prendre un café au bar, dîner avec des proches, aller au travail, se promener au parc, faire de l’exercice au gymnase, lire à la bibliothèque, visiter une exposition au musée, voir un film au cinéma, suivre un cours à l’école et à l’université, mais aussi simplement fréquenter les lieux publics. Nous nous privons de tout cela au nom de la sécurité mondiale. Nous redéfinissons nos concepts d’espace et de temps, nos limites physiques et mentales, nos habitudes, souvent nos valeurs. Cette triste histoire du virus est peut-être en train de changer à jamais notre façon de vivre. Dans certains pays, comme l’Italie, où le virus manifeste toute sa virulence, la quarantaine s’opère depuis presque un mois. Ici, en France, depuis deux semaines.

Est-ce que cela suffira ? Combien de temps cela va-t-il durer ? Partout, les institutions ont décidé de contrôler l’épidémie actuelle (déjà définie comme « pandémie » par l’Organisation Mondiale de la Santé) par des actions plus restrictives : fermeture des frontières, réduction des transports et des expéditions, bureaux, magasins, les entreprises dont la production n’est pas prioritaire actuellement doivent cesser leurs activités. Un échec et mat pour les économies nationales afin d’essayer de sauver plus de vies. 

Par respect pour toute la douleur, pour les personnes malades et tragiquement décédées et leurs familles, nous pourrions essayer de trouver notre propre voie dans cette affaire, qui soit la plus positive possible. Par exemple, nous pourrions avoir le temps de nous adonner à ce que nous aimons le plus sans regarder l’horloge. Enfin, nous n’avons pas à dire « Il est tard ! ». C’est vrai, souvent des moments d’ennui, peut-être de nostalgie pour ce que nous faisions avant la quarantaine, peuvent advenir pendant nos journées, ainsi que des moments de découragement et de tristesse. Mais il est également bon d’être optimiste et plein d’espoir, de ne pas laisser la mauvaise humeur l’emporter sur les bonnes intentions. Il est en effet possible de profiter pleinement de son temps, de s’adonner à des activités avec une plus grande implication et sans distractions (si l’on ne tient pas compte des messages sociaux des amis et parents loin de nous). Il est également possible de réfléchir à ses propres actions, de s’attarder calmement sur ce que l’on fait et de se corriger sans avoir à le remettre à plus tard. Un peu de musique pourrait marquer les heures, nous donner le rythme pour affronter avec un sourire et une danse cette quarantaine forcée. 

© Crédit photo : Chloé DEDEBAN

Mais comment vivons-nous, nous les volontaires, la quarantaine à Bordeaux ? Nous regrettons la routine quotidienne dictée par les activités de groupe, les soirées au quartier général « MEBA », les interventions à la radio, le simple fait de se réunir. L’avenir est incertain et les prochaines semaines seront différentes de septembre 2019. Nous nous manquons les uns aux autres aussi. 

Et donc ici, peut-être pouvons-nous prendre le temps de réfléchir à notre relation avec le monde, qui semble maintenant si lointain et hors de portée : avec nous-mêmes d’abord et avec les autres. Nous pouvons réfléchir à nos objectifs, à notre travail, à nos passe-temps, à la façon dont nous aimerions que le reste de l’année se déroule, que nous soyons inclus dans les livres d’histoire. Rien n’est perdu et la quarantaine apportera des aspirations et des projets, plus quelques grammes supplémentaires sur la balance. 

© Crédit photo : Lucie MILOUA

Pour échapper à la distance, nous maintenons notre corps et notre esprit entraînés: entre quelques abdominaux, du yoga et des étirements, nous partageons des conseils culturels sur des lectures, des jeux, des films, des exercices, ainsi que des souvenirs tendres et des photos amusantes ; nous nous consacrons à l’écriture, à des cours individuels de français, à l’étude de logiciels vidéo particuliers, à des cours en ligne, et pourquoi pas à la cuisine, au nettoyage, à l’entretien de soi et aux relations interpersonnelles ; nous nous projetons dans l’avenir avec quelques craintes mais avec beaucoup d’espoir, toujours en pensant à de nouvelles idées à proposer et à des solutions pour chaque problème de la vie quotidienne. Nous sommes certains que cette période historique est difficile pour nous tous et que nous sommes au début d’une dure bataille, mais nous sommes également convaincus que, de chez nous, nous pouvons continuer à partager les valeurs fondamentales de notre mission et à faire vivre le projet que nous soutenons : surtout en restant unis, même à distance, même si ce n’est qu’avec notre tête et notre cœur.

Piera FEDUZI